Débat | Comprendre l’effet de serre et ses conséquences | The Conversation

 

A lire en version longue « director’s cut » :

Avec l’entrée en vigueur du traité de Paris, lancé lors de la COP 21 — 55 pays signataires représentants 55% des émissions de gaz à effet de serre devaient le ratifier, c’est le cas depuis le 4 octobre avec la ratification du traité de Paris par le Parlement européen — et avec le lancement de la COP 22 qui aura lieu à Marrakech, Maroc, en novembre 2016, il est temps de revoir ce qu’est l’effet de serre, ce phénomène dont on parle tant à propos des dérèglements climatiques qui menacent notre planète. Car, le sujet du dérèglement climatique, conséquence — ou non, disent les climato-sceptiques — des activités humaines, est un sujet qui demeure polémique : Demain, il fera chaud… un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout ?

Il faut tout d’abord sortir de la polémique pour tenter d’appréhender demain, qui, quoi qu’on y fasse, arrive ! Mais personne ne sait de quoi sera fait ce demain ! Et si polémique il y a, c’est qu’on ne sait pas quantifier avec précision l’ampleur de l’influence des activités de l’homme dans l’augmentation des températures moyennes, à la surface de la Terre, qui provoquent, pour tout ou partie, un phénomène atmosphérique, lui, admis : l’augmentation de l’effet de serre.

Alors, faisons table rase des controverses et tentons de comprendre ce qu’est l’effet de serre.

Baignés dans la lumière solaire, l’atmosphère ainsi que la surface de notre planète, océans et terres émergées, conservent naturellement une partie de cette énergie sous forme de chaleur. L’atmosphère terrestre, indépendamment des activités humaines, provoque l’effet de serre. Sans ce phénomène atmosphérique indispensable à la vie, la température à la surface de notre Terre serait, en moyenne, de l’ordre de -16°C. Alors que, grâce à l’effet de serre, elle est plutôt, en moyenne, à +15°C. A cette température, moyenne calculée sur toute la surface de la planète, l’eau liquide circule librement et la vie y foisonne !

Mais, depuis plus d’un siècle et demi, tous les relevés de températures — directes ou indirectes — laissent apparaître une augmentation de cette température moyenne. Cette augmentation est une conséquence de l’accroissement, de l’exagération de l’effet de serre dans l’atmosphère de notre planète : comme le plafond de verre dans une vraie serre, les gaz à effet de serre, dont la concentration ne cesse d’augmenter, piège une quantité toujours plus grande de l’énergie qui aurait dû retourner vers l’espace… et on a de plus en plus chaud, ici bas !

En effet, sur cette période d’un peu plus de 150 ans, l’analyse des composants gazeux des différentes couches qui constituent l’atmosphère dans laquelle baigne notre planète laisse apparaître une concentration en constante augmentation de nombreux gaz d’origine pour la plupart artificielle. Nul besoin d’être grand vizir pour constater que le début de l’augmentation de cette concentration de gaz coïncide avec le début de l’ère industrielle — on compte le début de l’ère industrielle à partir de la moitié du XIXème siècle — ces gaz, « résidus » des productions industrielles humaines. Or, la plupart de ces gaz ont la fâcheuse tendance d’empêcher la diffusion vers l’espace d’une partie de l’énergie que reçoit notre planète en provenance du soleil. Cette part d’énergie restée captive étant proportionnelle à la concentration de ces gaz constatés dans l’atmosphère.

Donc, la Terre reçoit de l’énergie du soleil. Elle en garde une partie nécessaire à l’épanouissement de la vie à sa surface et en laisse repartir vers l’espace une certaine quantité. Ainsi pour quantifier l’effet de serre, on mesure la différence entre l’énergie reçue et celle ré-émise par la Terre, c’est ce qu’on appelle le bilan radiatif — radiatif car on parle de la chaleur qui est une radiation. Quand l’équilibre est rompu entre énergie reçu et énergie rendue, on parle de  forçage radiatif — forçage pour exprimer le déséquilibre.

L’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère est venue perturber l’équilibre radiatif de la Terre. En un plus d’un siècle et demi, de 1850 à nos jours, on est passé d’un équilibre radiatif à un forçage radiatif positif : l’atmosphère de notre planète, la coque du vaisseau spatial dans lequel nous nous trouvons, est de plus en plus étanche : l’atmosphère conserve trop d’énergie ! La température globale augmente. Or, de cette augmentation de température, de son ampleur, dépendra l’avenir de la planète, l’avenir de l’humanité, passagère, avec toutes les autres formes de vie, du vaisseau Terre.

Mais, toute la complexité d’imaginer demain tient au fait que l’équation est loin d’être simple… Les données sont nombreuses et leurs interactions complexes.

Ainsi, la climatologie — l’étude à long terme des comportements des différentes couches qui composent notre atmosphère et leurs interactions avec la surface de la planète, discipline en constante évolution, à ne pas confondre avec la météorologie — doit prendre en compte « l’élan » pris par le réchauffement de l’atmosphère. Comme un véhicule lancé à vive allure, il y a différentes actions a entreprendre pour l’arrêter : ne plus accélérer et freiner. Ainsi faut-il une certaine distance, un certain temps, pour que le véhicule s’arrête. Tout cela ne se fait pas en un claquement de doigt : on l’expérimente tous, dans nos voitures. Il en va de même avec le réchauffement climatique : peu importe la réduction des activités humaines — ne plus appuyer sur l’accélérateur — il faudra un certain temps pour revenir à un bilan radiatif à l’équilibre — La voiture roule sur son élan. Et, cet état sera d’autant plus difficile à atteindre qu’il faudra s’assurer que le pied a bien été levé de l’accélérateur. En d’autres termes, cela peut se traduire par « s’assurer que tous les acteurs — nations, industriels et consommateurs — jouent, en même temps, le jeu du changement de comportement » ! Or, pour le moment, il semblerait bien qu’on continue à rouler pied au plancher des activités humaines…

Toutes ces variables, et bien d’autres, pourrait alors emmener loin dans notre avenir le moment du retour à bilan radiatif à l’équilibre — ce moment où la Terre n’accumulera plus d’énergie.

Dans cet avenir, l’équilibre radiatif atteint, la température de la planète ne sera pour autant pas celle que nous avons connu jusqu’au milieu du XXe siècle — on aura juste arrêté d’accélérer, d’accumuler de la chaleur. Les température acquises au moment du changement de comportements des activités humaines ne baisseront pas de sitôt. Contrairement à une voiture, il n’existe pas de frein pour disperser l’énergie thermique — dans le cas de la voiture, c’est le rôle des freins de disperser l’énergie cinétique. Il faudra que cette énergie s’évacue seule, vers l’espace, petit à petit… Comme le ferait une voiture lancée à vive allure qui, sans frein, roulerait sur des centaines de mètres avant de s’arrêter d’elle-même. Et, disons-le tout de suite : pas la peine d’envisager l’accélération du processus d’évacuation. Cela impliquerait un forçage radiatif négatif, c’est à dire imaginer une action volontaire — et donc technologique — au niveau de l’atmosphère pour que la planète laisse partir plus d’énergie qu’elle n’en reçoit. Il serait dangereux de vouloir traiter un déséquilibre par un autre, d’autant plus que pour arriver à un tel effet, il faudrait envisager des efforts encore plus importants que ceux qu’on a déjà du mal à mettre en œuvre pour nous ramener le bilan radiatif à l’équilibre… Les seules solutions envisageables devraient être passives comme le sont les « super-miroirs » développés par les chercheurs de l’université de Stanford : prévus pour être posés sur des immeubles afin de les climatiser, ces miroirs renverraient vers l’espace aussi bien les radiations reçues du soleil que la chaleur issue de la climatisation des bâtiments. Mais, encore une fois, peut-on envisager de telles solutions à une échelle planétaire ?

Pourtant, si l’évaluation des dérèglements climatiques liés à l’augmentation de l’effet de serre à l’échelle de la planète, conséquence des activités humaines, est affaire de spécialistes, chaque citoyen de chaque pays de la planète peut, de lui-même et en fonction de ses moyens, décider de commencer à lever le pied de l’accélérateur de la dilapidation énergétique pour le poser sur la pédale d’un frein du développement durable. Le 20 janvier 1961, tout frais élu président des USA, John F. Kennedy lançait : « Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis peuvent faire pour le monde, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le monde. » Approprions-nous ces paroles pour déclarer : « Ne nous demandons pas ce que nos gouvernants, à la COP 22 et aux conférences qui suivront, vont faire pour nous et la planète, mais demandons ce que nous pouvons faire pour le monde » ! A nous aussi, citoyens, d’imaginer les comportements et les développements qui viendront compléter d’autres efforts gouvernementaux et technologiques qui garderont la planète viable pour les générations à venir… qu’elles n’aient pas à nous juger trop durement pour notre incapacité à agir… En plus, cela pourrait donner des idées à nos gouvernants.

Au fait… au cas où spécialistes et élus trouvent parmi les idées citoyennes de suffisamment bonnes pour entrer dans les discussions… Laissez-les croire que ces idées sont issues de leurs études et réflexions, ils pourraient se vexer et on prendrait encore du retard !!!

Version longue d’un article paru dans The Conversation France.

 

7 nov. 2016