Editorial | Space’ibles Days 2018 | Murielle Lafaye, CNES

« La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau ». Cette citation de Constantin Tsiolkovski, le père de l’astronautique russe, trouve un écho particulier dans la communauté spatiale à l’heure où le développement de l’industrialisation de l’Espace au-delà de l’orbite géostationnaire pourrait devenir une réalité.

Longtemps l’économie de l’Espace a été portée par le secteur manufacturier des lanceurs, des satellites et des segments sols. Les services de télécommunication par satellite tirant le marché des services utilisant directement les infrastructures spatiales en orbite. Puis, est venu le temps du développement des services utilisant à plein l’ensemble des moyens issus du spatial, toutes techniques confondues, grâce à la convergence avec l’économie numérique et à l’arrivée d’investisseurs privés à la recherche de diversification économique.

L’industrialisation de l’Espace, au-delà de l’orbite géostationnaire, marque une étape importante, un changement de paradigme. En effet, sa concrétisation implique de ne plus dépendre de ressources et de produits lancés depuis la Terre.

Longtemps la Terre a été tout pour l’Espace fournissant ses « enfants » et ses ressources permettant le démarrage d’une économie de l’Espace. Mais « les temps changent » et à l’heure où il devient nécessaire de préserver les ressources terrestres pour faire face aux enjeux sociétaux, et en particulier ceux liés aux impacts du changement climatique, il faut envisager d’avoir recours à un nouveau type de ressources : les ressources spatiales.

Extraction d’eau pour le support-vie de missions lointaines ou de villages spatiaux, production de carburant pour des transports spatiaux ou pour des infrastructures à maintenir en orbite, fabrication dans l’Espace de modules ou de grandes infrastructures, …, de nouvelles activités pourraient voir le jour, ouvrant un nouveau pan de l’économie spatiale.

Mais au-delà de l’image d’Epinal véhiculée par des milliardaires enthousiastes d’un Espace facilement accessible pour le tourisme ou pour s’établir en vue d’y finir ses vieux jours, de nombreux challenges techniques, technologiques, éthiques et juridiques, physiologiques même doivent être relevés.

La question même du bien fondé de mettre autant d’efforts et de moyens pour aller sur notre satellite naturel, la Lune, ou plus loin ailleurs, revient avec insistance lors de débats ouverts au grand public. Mais elle se pose, y compris au sein de la communauté spatiale. D’autres questions quant à l’aide que ces nouvelles activités spatiales pourraient apporter pour résoudre les enjeux sociétaux terrestres se posent également. Ses nouvelles activités seront-elles vertueuses ou égoïstes ? quelle utilisation de l’Espace voulons-nous demain ?

Ses questions semblaient avoir été réglées par les lois et traités de l’Espace. Pourtant, elles reviennent avec force à un moment où des Etats envisagent une exploitation commerciale des ressources spatiales de corps célestes ou d’astéroïdes.

Serons-nous dans l’accaparement d’une nouvelle « Ruée vers l’or » ? Aurons-nous la sagesse d’envisager une utilisation raisonnée et durable des ressources spatiales, avec la mise en place d’une économie circulaire soucieuse de son empreinte environnementale?

Arriverons-nous un jour à ce que l’Espace soit aussi au service de la Terre en lui fournissant, à son tour, ses ressources et ses enfants nés dans l’Espace ?

Ses multiples futurs possibles sont sources d’inspiration et de réflexions pour les acteurs de la prospective qui souhaitent éclairer les réflexion stratégiques par des scénarios, en vue d’anticiper et de prendre aujourd’hui les décisions qui façonneront l’Espace de demain pour le rendre « Space’ibles ».

ML

 


Les articles conçus pour les Space’ibles Days :


Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2018 » de Futurhebdo

Lien vers le numéro spécial « Space’ibles Days 2017 » de FuturHebdo

 

 

13 nov. 2018