Climax, la machine qui permet de choisir la météo | 26/09/2068

Charles Nestor est à l’origine d’une découverte considérable qui pourrait bien révolutionner l’agriculture dans les prochaines décennies. Il a réussi à mettre au point une machine capable de choisir le climat à l’échelle de son exploitation. Cette innovation a longtemps été tenue secrète, l’agriculteur étant conscient du risque de se faire voler cette bonne idée par des acteurs plus puissants, comme l’Etat, les grandes entreprises, voire l’armée. Son exploitation située dans les Deux-Sèvres, un département français réputé pour a qualité de son agriculture, connaissait ces dernières années des rendements particulièrement importants, très supérieurs à ses voisins et aux départements limitrophes. Cette situation était attribuée à une bonne fortune passagère, jusqu’à ce qu’un agronome effectue une étude approfondie. L’agriculteur fut contraint d’accepter une inspection de son installation après que son cousin, mis dans la confidence et bénéficiaire de l’invention se soit confié à un journaliste local un soir de beuverie. Charles Nestor dut se rendre à la raison et montrer aux autorités sa machine de contrôle climatique, baptisée Climax. Nestor était ingénieur en climatologie et avait décidé à l’âge de 30 ans de mettre en pratique ses découvertes réalisées dans un laboratoire parisien. Ses théories ne rencontraient en effet qu’un faible écho, considérées comme farfelues, utopiques, et irréalistes. Conscient de la dimension révolutionnaire de ses recherches, il estima qu’il était préférable de créer sa machine à la campagne, d’autant qu’un de ses oncles décédé lui avait légué une ferme propice à l’élaboration de protocoles et d’essais technoscientifiques. Grâce à un laser pointé vers le ciel, il pouvait provoquer la pluie, empêcher des averses de grêle ou de neige, réguler l’ensoleillement. Il lui suffisait de programmer la météo souhaitée pour qu’elle se réalise et participe à la prospérité de la ferme, dont les produits étaient parfaitement écologiques, la maitrise de la météo lui évitant d’avoir recours à des produits chimiques nocifs pour la santé humaine.

Tout était au mieux pour M. Nestor jusqu’à ce que son invention soit connue et médiatisée. Conscient d’avoir réalisé une découverte majeure, il tenta dans un premier temps de détruire sa machine afin d’éviter qu’elle tombe entre de mauvaises mains. C’était sans compter sur la vigilance de l’armée, qui l’en empêcha in extremis. Il n’existait en effet qu’un exemplaire du Climax, et des scientifiques de l’Etat négocièrent avec Nestor pour lui garantir la liberté s’il acceptait de coopérer. Sinon, il risquait de passer de longues années dans un camp militaire, neutralisé et coupé du monde pour éviter qu’il communique des informations sur Climax à des puissances hostiles comme des terroristes ou des Etats concurrents, voire ennemis. Nestor, en bon citoyen, accepta de coopérer.

A l’ère du changement climatique, contrôler le climat est un enjeu de pouvoir considérable. Certains lobbies européens accusent d’ailleurs régulièrement la Chine et les Etats Unis d’avoir déréglé le climat en testant des technologies permettant de le maitriser. Grâce à Climax et ses successeurs, il devrait être possible de venir à bout d’une mutation climatique inquiétante qui pourrait causer la mort de milliards d’humains si rien n’est fait rapidement. Mais les français et les européens ont-ils intérêt  à partager cette technologie ? Stratégiquement, quel est l’intérêt de garder en vie des peuples extra-européens souvent hostiles à la philosophie politique occidentale ? Le Climax n’est probablement pas une panacée universelle. Nestor a pu la mettre au point grâce à une connaissance précise du climat régional. Des cycles et des régularités ont été constatés sur plusieurs siècles, comme en témoignent les archives d’un monastère poitevin, qui a livré l’équivalent d’une pierre de Rosette du climat, conçu comme un langage modélisable scientifiquement, prévisible et programmable. Il est probable que Climax soit adapté aux Deux-Sèvres, peut être à la France, voire à l’Europe. Il faudra que les autres régions du monde trouvent une autre solution, sans quoi de nombreux peuples seront condamnés à la mort, ou à un exil vers des territoires plus accueillants, l’Europe étant probablement la seule terre d’accueil pour des milliards de migrants climatiques. Reste à savoir si  le climat européen sera choisi démocratiquement, par le vote quotidien des citoyens, ou si une technocratie verra le jour, garante de la productivité agricole, l’enjeu étant de produire sur un territoire relativement peu important suffisamment de nourriture pour la totalité de l’Humanité.

26 sept. 2018