Nos villes se sont construites sur des idées de concentration, de spéculation, de profit… idées rarement remises en cause… Autre héritage du passé qui a lui aussi été un des pilotes de la construction de nos horizons urbains et économiques : le célèbre PIB, Produit intérieur brut, à qui certains cherchent un remplaçant.

C’est ainsi que nos usines sont immenses, tout comme les centres commerciaux autour de nos villes, qui, elles, sont trop souvent “dortoirs”… Quant à notre système économique, il dépend de logistiques à flux tendu pour faire parvenir de lointaines contrées les produits que nos territoires ne produisent plus. Au mieux, ils se sont spécialisés dans un seul type d’activité économique. Au pire, ces territoires sont devenus des déserts industriels. Là, les populations se déplacent sur des distances toujours plus grandes pour travailler, accéder aux commerces, à leurs loisirs…

Mais ce modèle d’urbanisme, que de plus en plus de personnes déclarent subir, est-il le seul possible ? Et si les injonctions écologiques, “augmentées” des progrès de la technologie, devenaient inspiration pour de nouvelles orientations dans la construction de nos villes ? A cette fin, essayons d’identifier les idées qui pourraient bien être à l’origine de futurs modèles d’urbanisme. Elles tracent déjà leur chemin dans les esprits. Elles sont surtout simples et accessibles à toutes et tous.… Projetons-nous dans un avenir spéculatif, pas si éloigné du nôtre, bien que certains le jugeront utopique. Mais, il n’y a pas de risques à se prêter aux exercices de pensée de la prospective, piloté par son intuition instruite.

Commençons par ce qui est appelé la ville du quart d’heure. Concept en vogue dans les municipalités innovantes, chez les urbanistes à la mode, cette ville, surtout théorisée par Carlos Moreno, tend à mettre tout ce dont le citoyen peut avoir besoin à un quart d’heure de distance, que l’on parle de courses ou de l’accès aux administrations, de loisirs, de travail, d’éducation… Si on est dans un territoire concentré mais vertueux, on pourra accéder à ces services en transport en commun. Dans d’autres territoires, ces distances seront parcourues en véhicule individuel ou collectif. Ces derniers d’ailleurs préparent leur révolution. En effet, demain, ces véhicules, qu’ils soient collectifs ou individuels, devront être économes en énergie. Ils seront sûrement autonomes et partagés. Ils seront surtout gérés de manière globale : grâce aux systèmes d’intelligence artificielle, avant même qu’un usager émette le souhait de se déplacer, un véhicule sera à sa proximité ! On parlera de fonctionnement en essaim. 


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Toujours à tenter de faire émerger un nouveau concept d’urbanisation, ne pourrait-on pas étendre le concept de ville du quart d’heure à l’industrie ? Pari osé, s’il en est, cette idée d’une industrie en circuits courts repose sur l’émergence d’une industrie qui bénéficierait pleinement des avantages de technologies telles que, par exemple, l’impression 3D. Il est évident, qu’en l’état actuel de l’art, on est loin d’un déploiement industriel. Mais, en se projetant dans un futur pas si lointain, on pourrait imaginer des imprimantes maniant des matériaux de toutes sortes, avec des finesses de réalisation et à des vitesses inégalées à ce jour. Ne nous leurrons pas : on aura toujours besoins de centres de production de masse. Mais, cette industrie en circuit court pourrait apporter un réel service de proximité. Elle reposerait sur le marché des modèles numériques en trois dimensions, nécessaires à la production des objets souhaités, entre licences payantes et gratuites. Un bon moyen de lutter contre l’usure naturelle des pièces ou contre l’obsolescence programmée… 

Cette industrie en circuit court répondrait aussi aux recommandations de l’Organisation Mondiale de Normalisation des Échanges Économiques. L’OMNEE, vous ne connaissez pas ? Dans notre avenir spéculatif, cet organisme remplace l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Comme l’OMC l’était avant que celle-ci ne se saborde, l’OMNEE est une agence de l’ONU. Sa mission est d’organiser les échanges économiques, à l’échelle de la planète, de manière à éviter une trop grande dépendance économique de certaines de certaines régions vis à vis d’autres. Sans parler d’autosuffisance, L’OMNEE incite les États membres de l’ONU à organiser une juste répartition des moyens de production sur toute la surface de la planète, jusqu’à l’échelle des territoires. une politique déployée au grand dam des entreprises transnationales mais au service d’une écologie industrielle et territoriale.

A propos de territoires, un constat : lors du confinement dû à la pandémie de COVID-19, on a vu le monde sauvage s’inviter dans nos villes. Si certaines visions ont pu paraître bucoliques quand on parle de cerfs ou de lapin… d’autres promiscuités sont moins souhaitables quand des renards, des ours ou même des loups s’invitent dans nos rues. Le retour de ces derniers vient d’ailleurs d’être confirmé en Normandie, en cet automne 2020… La vision de cette coexistence avec le monde sauvage, habituellement invisible, ne doit-elle pas nous inciter à organiser cette cohabitation, au lieu de s’échiner à dresser des barrières qui, quoiqu’on fasse, resteront perméables ? Cette structuration des territoires s’appelle la reconstitution des trames vertes et bleues.. Il s’agit de créer les couloirs et les espaces nécessaires à une bonne coexistence entre le monde humain et celui sauvage, que l’on parle d’animaux terrestres ou aquatiques. Dès aujourd’hui, on installe déjà, mais pas assez, des tunnels et des ponts qui permettent aux animaux sauvages de traverser les saignées de bitumes que sont les autoroutes. Demain, une organisation de l’urbanisme pourrait aménager des travées propres à laisser s’épanouir le monde sauvage, en bonne entente avec l’humanité… au profit de la biodiversité et d’une nécessaire conscience environnementale, dans tous les territoires.

Toujours “à cause du confinement”, de plus en plus de personnes s’interrogent sur nos manières actuelles de vivre, de consommer, de produire. En effet, au-delà des drames humains qu’ont été les pertes d’êtres chers, dans des conditions humaines difficiles à vivre pour les familles et à gérer pour les personnels soignant, la crise de la COVID-19, la pression environnementale ne cesse de se faire sentir. Mais, le confinement n’aurait-il pas eu au moins le mérite de mettre en lumière certains aspects caricaturaux dans lesquelles nos sociétés se sont engagées : concentration des habitats, dépendances économiques diverses et fragilisation des territoires, déstructuration du tissu urbain qui, lui, doit pourtant répondre à des missions parfaitement identifiées. Ce sont les fonctions résidentielles (logement), les fonctions politiques aux différents échelons territoriaux, celles économiques et culturelles, les fonctions de transport et de communication et les fonctions sociales. 

Alors, on se laisse entraîner par l’élan acquis, où on construit un autre modèle de territoire ?

6 déc. 2020