La pré-consultation en ligne devient incontournable | Congestion 5/13 | 2035

Tableau de Carol Galand


Une série de 13 chroniques sur la médecine du futur.

A suivre tous les vendredis.


 

2035

La pré-consultation médicale en ligne devient incontournable

 

A partir de 2010, les médecins avaient pris l’habitude de déléguer la prise de rendez-vous à des sites comme doctolib.fr, mondocteur.fr, ou allodocteur.fr. Chacun gagnant du temps, les praticiens comme les patients, cette habitude s’était rapidement généralisée et, en 2030, non seulement il était devenu impossible de prendre un rendez-vous autrement que par Internet, mais, pour obtenir cette première consultation, il était nécessaire de répondre à un questionnaire de base concernant l’hygiène de vie.

Bien sûr, même s’il représentait une petite contrainte pour les particuliers, ce questionnaire était très utile puisqu’il permettait au médecin d’avoir une première information sur le mode de vie du patient, et surtout, d’alimenter le dossier médical personnalisé (DMP), pour  un meilleur suivi médical dans la durée de chacun.

La CNIL n’avait pas manqué de relever l’entorse aux libertés individuelles car, forcément, la Loi Santé ne se contentait pas d’imposer ce formulaire, elle permettait au médecin de prescrire des analyses afin de vérifier qu’il était sincère.

Mais, devant l’impératif absolu de santé publique et bien sûr d’équilibre des comptes, la CNIL avait fini par donner son accord tout en faisant modifier la liste de questions incontournables et en imposant des mesures de limitation de l’utilisation des données. Tout le monde y trouverait son intérêt : un budget mieux contrôlé, un médecin mieux informé sur les habitudes de ses patients, un parcours de soins plus aisé, un diagnostic plus précis. Mais on inscrivait ainsi dans le marbre la banalisation du contrôle de l’hygiène de vie de chacun.

Il fallait aller un peu plus loin, utiliser au mieux les données fournies par le patient, celles recueillies par le médecin, croiser ces informations à l’aide d’algorithmes pour affiner encore le diagnostic. Fin 2018, un décret ministériel[1] avait déjà autorisé l’ordonnance numérique et la prise en charge par la Sécurité Sociale des consultations par Internet avec son médecin traitant. C’était simple, économique, efficace, et, même si on perdait un peu en chaleur humaine, on gagnait du temps tout en gardant le contact avec son médecin. Par Internet, bien sûr.

A partir de 2020, la société française Medadom avait commencé à  installer dans plusieurs centaines de pharmacies des cabines de consultation parfaitement équipées et permettant de faire, sur rendez-vous en ligne avec un médecin, un premier télé diagnostic[2]. Au fil des années, de la simple consultation par Internet, du questionnaire quasiment incontournable, on allait passer au télé diagnostic robotisé qui consistait non plus à répondre à quelques questions de base, mais à se rendre dans un centre équipé d’une cabine de télé diagnostic de type Medadom.

Grâce à ces mesures, aux algorithmes et à la constitution de bases de données, avec les cabines de téléconsultation, on gagnait beaucoup en précision, les soins étaient mieux ciblés, les coûts étaient maîtrisés, mais le corps médical apparaissait comme une espèce de machine pilotée par l’intelligence artificielle, la relation entre le patient et le médecin était complètement déshumanisée. Et puis, avec les progrès de l’intelligence Artificielle, le médecin en ligne avait été peu à peu remplacé par un algorithme.

Enfin, en 2035, pour faire face au manque de médecins, la Sécurité Sociale conditionnait le remboursement des soins à une pré-consultation dans une cabine de télémédecine.

Dans cette société incapable de comprendre que le bien être, ce n’était pas uniquement ne pas être malade, que le rôle du médecin était de soigner mais aussi d’écouter, de rassurer, d’être là, dans cette société obnubilée par la productivité, la réduction des coûts, seuls devant leur écran ou leur smartphone, les gens étaient malades de ce nouveau virus, l’hyper technologie.

La 5G en médecine

Avec la 5G, à l’heure où les robots chirurgicaux se développent, intervenir à distance devient réalisable, certaines applications seront sans doute utiles, pourront permettre de sauver des vies. Mais une généralisation trop poussée de la télémédecine ne risque-t-elle pas de finir par remplacer les médecins par des bornes de consultation munies d’un logiciel d’Intelligence Artificielle ? La société Medadom propose déjà ce type de bornes, avec pour le moment un médecin à l’autre bout du fil, et c’est sans doute une solution si j’habite dans un désert médical. Ou si je n’arrive pas à obtenir un rendez-vous avec un médecin alors que j’habite pourtant dans une grande ville.

Pas assez de médecins, on met des robots. Vous trouvez ça normal, vous ? Le progrès, ne serait-ce pas former plus de médecins et mieux les rémunérer ? Et au passage, garder un peu d’humanité. Entre un robot et un médecin, que préférez-vous ?

Passer son temps à essayer d’apporter des solutions technologiques à des problèmes que nous créons nous-mêmes, sans s’attaquer aux causes, ce n’est pas progresser, c’est même régresser.

 

Textes extraits et adaptés par Jean-Pierre Galand du livre du même auteur

« Cette délicieuse odeur de pain grillé, 2084, cauchemar technologique ? »

 Actuellement en souscription sur Ulule du 15/09 au 31/10/2020.

https://fr.ulule.com/une-delicieuse-odeur-de-pain-grille

 

CALENDRIER

1 INJECTION 22 mai 2024 – l’IA contre le cancer 6/09/2020
2 DISRUPTION

Septembre 2026 – de l’ADN et du prédictif au rabais

11/09/2020
3 CONNEXION

Novembre 2029 – lorsque l’on préfère assurer les gens en bonne santé

18/09/2020
4 OBSESSION

22 mai 2032 – la Sécu recommande le port d’un bracelet connecté

25/09/2020
5 CONGESTION

2035 – La pré-consultation médicale en ligne devient incontournable

2/10/2020
6 VIOLATION

21 juin 2037 : le génome, objet commercial ?

9/10/2020
7 REGENERATION

2040 – pour 80 000 $, le droit à vivre un peu plus encore

16/10/2020
8 OBLIGATION

2040 – lorsque l’analyse ADN sera incontournable

23/10/2024
9 SELECTION

2048 – du préventif à l’eugénisme

30/10/2020
10 AMELIORATION

2050 – le « droit au bonheur »

6/11/2020
11 AUGMENTATION

2060 * mille fois plus intelligent

13/11/2020
12 DESTRUCTION

2080 – tel un Deus ex machina

20/11/2020
13 HOLD-UP

2020 – un mauvais rêve ?

27/11/2020

 

[1] https://www.bfmtv.com/sante/la-consultation-medicale-a-distance-arrive-en-france-le-15-septembre-1505773.html

[2] La FDA a autorisé en 2012 la commercialisation de robots de télémédecine. Ces appareils sont capables de faire un premier diagnostic  sans intervention du médecin. Ils sont soit mobiles, afin d’être utilisés directement au domicile du patient, soit fixes, installés dans un centre de soins où l’on se rend pour effectuer un diagnostic. Sans remettre en cause leur utilité, on peut s’inquiéter de voir qu’ils rompent un peu plus une relation directe et essentielle entre le patient et le médecin.

2 août 2020