Les enjeux réglementaires du développement humain outre-Terre| 13/11/2067 | Space’ibles 2017

Cet article rend compte de l’un des thèmes issu des travaux de Space’ibles pour l’année 2017, l’Observatoire de Prospective Spatiale, à initiative du CNES. Avec les trois autres articles qui portent eux aussi la mention « Space’ibles 2017 », ils forment le rapport d’activité de la première année d’existence de l’observatoire, présenté en convention, à Lyon, les 7 et 8 novembre. Ces quatre articles ne sont pas des prises de position définitives mais des appels au dialogue, documents « martyres » sur lesquels construire les prochaines réflexions.



 

Article conçu en collaboration avec Space’ibles, l’Observatoire de Prospective Spatiale, initiative du CNES.


 

L’année 2067 marque le centenaire de la signature de l’accord international dit «Traité de l’Espace» qui instituait, qui fondait, dès janvier 1967, à l’ONU, ce qui allait devenir le droit de l’Espace, bien que, aujourd’hui, ce Droit de l’Espace, toujours en cours de rédaction, se révèle bien plus complexe à formaliser que les quelques principes fondateurs.

A l’origine, ils étaient au nombre de dix (car, l’un d’eux, le sixième, était en deux volets. Voir ces Principes en annexe) La structure de ces principes faisait que l’un découlait plus ou moins systématiquement d’un autre : le principe de la liberté d’exploration et d’utilisation incluait de fait le principe de non appropriation. De même, le principe de la conformité au droit international incluait celui de l’utilisation de l’espace à des fins pacifiques… et ainsi de suite…

En tout cas, ce droit implicite et centenaire, aujourd’hui désuet, instituait le statut des entreprises commerciales qui demeuraient sous la tutelle des états, ceux-ci ayant le devoir de surveillance continue des activités de leurs ressortissants, que l’on parle de personnes physiques ou morales. Mais, avant même les premiers élans hors de l’atmosphère terrestre, prémices de notre quotidien spatial, ce principe s’avéra un frein majeur au développement des activités commerciales vers et au sein des espaces extra-atmosphériques, pour reprendre le vocabulaire de 1967.

Au début du XXe siècle et sous la pression des investisseurs privés qui s’organisaient déjà en consortium, des lobbies se constituèrent. Et, à compter des années 20, on les vit entrer en action pour, dans l’ombre des couloirs des Nations Unis, influer sur les résolutions que les nations s’apprêtaient à adopter pour permettre le développement des activités non-gouvernementales dans l’espace. La régulation par résolution, un passage obligé mais temporaire, allait sous peu laisser la place au temps de la rédaction d’un Droit de l’Espace, en adéquation avec la réalité de l’époque. La première de ces résolutions fût, on pouvait s’y attendre, d’instituer l’ONU comme seule organisme juridictionnel compétent pour traiter et réguler les activités outre-Terre.

La deuxième de ces résolutions fût d’opposer un droit commun (universel) au droit commercial (privé), afin que le développement économique des domaines spatiaux se fasse selon les règles durables d‘une responsabilité sociale et environnementale. Ce volet réglementaire s’étant naturellement imposé suite à la prise de conscience planétaire de la responsabilité des activités humaines dans les désordres climatiques constatés et dont l’humanité était plus que jamais victime. Corollaire à cette disposition : quitter la Terre vers les domaines outre-space ne devait en aucun cas être synonyme d’exode mais, d’une manière ou d’une autre, la territorialisation de ces nouveaux espaces devait permettre à la Terre de rester la principale bénéficiaire de cet élan tant technologique qu’humain.

Le dernier volet de ces principes de base d’un futur droit moderne de l’espace aurait pu aussi instituer le statut supra-national de l’espace. Mais les états membres de l’ONU ne se résolurent pas à passer ce cap, de peur que les membres les plus entreprenant au-delà de l’atmosphère terrestre ne quittent l’auguste assemblée… au risque de faire échouer la rédaction commune, internationale, d’un droit de l’espace qui se fait toujours plus attendre — le système des résolutions à ses limites — et qui se dirige vers un Droit International de l’Espace, l’épithète “international“ s’étant glissé dans la dénomination de ce droit à venir sans que l’opinion publique n’y prête trop d’attention !

La légitime aspiration des peuples à voir les affaires spatiales gérées de manière supra-nationale s’est finalement heurtée aux mêmes écueils que l’aspiration à une gestion supra-nationale de ce qui ne concernait, à ce jour, que le plancher des vaches. Les états fragilisés par l’émergence des mouvements régionalistes et territoriaux, sur toute la planète, trouvèrent dans la cause spatiale un moyen de réaffirmer leur main-mise sur les affaires planétaires et, en définitive, outre-Terre. La seule avancée notable, dans l’esprit d’une gestion supra-nationale de certains domaines, fût l’extension de la compétence de la Cour Internationale de Justice aux domaines spatiaux.

Une chose est sûre : l’un des secteurs professionnels nés ou ayant évolué au cours des révolutions technologiques successives de ces dernières décennies est celui de la diplomatie avec la naissance des corps diplomatiques et consulaires outre-Terre. Ainsi, au cœur de ce XXIe siècle, l’ambassadeur demeure une des chevilles ouvrières incontournable d’un monde en voie de construction.

Liens vers les trois autres articles :

“Lien vers le pdf du magazine « numéro spécial Space’ibles » de FuturHebdo avec l’ensemble des articles produits à l’occasion de l’inauguration de Space’ibles, l’Observatoire de la Prospective Spatiale, à l’initiative du CNES.”

 

Annexes : (1) le principe de la liberté d’exploration et d’utilisation, (2) le principe de non appropriation, (3) le principe de la conformité au droit international, (4) le principe de l’utilisation à des fins pacifiques, (5) le principe d’assistance mutuelle,  (6) le principe de la responsabilité internationale (Autorisation et surveillance continue et Dommage causé par des objets spatiaux), (8) le principe de juridiction sur les objets spatiaux, (9) le principe de non-interférence, de non-dégradation et de non-contamination, (10) le principe de transparence et de libre accès aux installations et équipements (source : fr.m.wikipedia.org/wiki/Droit_de_l%27espace)

12 nov. 2017