Débat | Pour essayer de comprendre les dérèglements climatiques (+1)

Avec la conférence pour le climat de Paris en approche, il est grand temps de se familiariser avec le vocabulaire des experts du climat, bien que, trop souvent, on ne s’adresse au grand public qu’en terme simplifiés à l’excès… Au-delà de la vulgarisation intelligente et intelligible ! Et pourtant, le sujet du dérèglement climatique, conséquence ou non des activités humaines, est un sujet qui reste polémique et sujet à caution… Demain, il fera chaud… un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout ? Comment se faire une opinion ?

Il faut tout d’abord sortir de la polémique pour tenter d’appréhender demain, qui, quoi qu’on y fasse, arrive ! Mais personne ne sait comment sera ce demain ! Et si polémique il y a, c’est qu’on ne sait pas quantifier l’ampleur de l’influence des activités de l’homme dans l’augmentation des températures moyennes à la surface de la Terre, conséquence pour tout ou partie d’un phénomène atmosphérique, lui, admis : l’effet de serre.

Alors, faisons table rase des controverses et tentons de comprendre ce qu’est l’effet de serre.

A l’échelle du siècle, l’analyse des composants des différentes couches qui constituent l’atmosphère qui baigne notre planète laisse apparaitre une concentration en constante augmentation de nombreux gaz d’origine principalement artificielle. Nul besoin d’être grand vizir pour constater que le début de la concentration de ces gaz coïncide avec le début de l’ère industrielle. Or, la plus part de ces gaz ont la fâcheuse tendance d’empêcher la diffusion vers l’espace d’une partie de l’énergie que reçoit notre planète en provenance du soleil. Cette part d’énergie restée captive étant proportionnelle à la concentration de ces gaz constatés dans l’atmosphère.

Baignés dans la lumière solaire, l’atmosphère ainsi que la surface de notre planète, océans et terres émergées, conservent naturellement une partie de cette énergie sous forme de chaleur. L’atmosphère terrestre, indépendamment des activités humaines, fonctionne avec l’effet de serre. Sans cette fonction indispensable à la vie, la température à la surface de la Terre serait de l’ordre de -16°C, alors que, grâce à l’effet de serre, elle est plutôt, en moyenne, à +15°C. A cette température, l’eau circule librement à la surface de la planète et la vie y foisonne !

Mais, depuis plus d’un siècle et demi, tous les relevés de températures laissent apparaître une augmentation de la température moyenne à la surface de notre planète. Cette augmentation est une conséquence de l’accroissement, de l’exagération de « l’effet de serre » dans l’atmosphère de notre planète. Comme le plafond dans une « vraie » serre de verre, les gaz à effet de serre, dont la concentration ne cesse d’augmenter, piège une quantité toujours plus grande d’énergie qui aurait dû retourner vers l’espace… et on a de plus en plus chaud, ici bas !

Donc, la Terre reçoit de l’énergie du soleil. Elle en garde une partie nécessaire à l’épanouissement de la vie à sa surface et en laisse partir vers l’espace une certaine quantité. Ainsi pour quantifier l’effet de serre, on mesure la différence entre l’énergie reçue et celle réémise par la Terre. C’est ce qu’on appelle le forçage radiatif, forçage pour exprimer le déséquilibre, radiatif car on parle de chaleur qui est une radiation.

L’augmentation des gaz à effet de serre est venue perturber l’équilibre radiatif, ce subtil équilibre entre énergie reçue et celle émise qui est sensé garder la température moyenne de notre planète constante. D’un forçage radiatif à l’équilibre, on est passé à un forçage radiatif positif : notre planète, la coque de notre vaisseau spatial, est de plus en plus étanche : notre atmosphère conserve trop d’énergie ! La température globale augmente. Or, de cette augmentation de température, de son ampleur dépendra l’avenir de la planète, l’avenir de l’humanité, passagère avec toutes les autres formes de vie du vaisseau Terre.

Toute la complexité d’imaginer demain, sur notre planète, tient au fait que l’équation est loin d’être simple… Les données sont nombreuses et leurs interactions complexes. Indépendamment de la seule climatologie, il faut prendre en compte l’élan pris par le réchauffement de l’atmosphère. Comme un véhicule lancé à vive allure, peu importe le coup de frein donné, il lui faut une certaine distance, un certain temps pour le véhicule s’arrête. Il a accumulé de l’énergie cinétique. Il doit l’évacuer pour s’arrêter. Cela ne se fait pas en un claquement de doigt. Il en va de même avec le réchauffement climatique : peu importe le coup de frein donné à la machine radiative, il faudra un certain temps pour revenir à un forçage radiatif à l’équilibre, première étape d’une reprise de contrôle de la situation planétaire… Il faudra d’autant plus de temps pour reprendre le contrôle que plus on tarde à freiner, plus on mettra de temps à s’arrêter. Or, pour le moment, il semblerait bien qu’on roule pied au plancher… Il faudra donc prendre en compte le temps que l’on mettra à lever le pied de l’accélérateur avant de freiner… et si on aura bien levé le pied de l’accélérateur quand on commencera à enfoncer la pédale de frein…

Toutes ces variables et bien d’autres pourrait emmener le point de retour à l’équilibre du forçage radiatif loin dans notre avenir, ce moment où la Terre n’accumulerait plus d’énergie.

Dans cet avenir, le moment du retour au point d’équilibre du forçage radiatif atteint, la température de la planète ne sera pas à celle que nous avons connu jusqu’au milieu du XXe siècle. La température accumulée au cours du XXe siècle et les décennies suivantes ne baissera pas de sitôt. Il faudra que cette énergie s’évacue vers l’espace petit à petit… Et, disons-le tout de suite : pas la peine d’envisager l’accélération du processus d’évacuation. Cela impliquerai un forçage radiatif négatif, c’est à dire imaginer un impact volontaire (et donc technologique) au niveau de l’atmosphère pour que la planète laisse partir plus d’énergie qu’elle n’en reçoit. Il serait dangereux de vouloir traiter un déséquilibre par un autre, d’autant plus que pour arriver à tel effet, il faudrait envisager des efforts encore plus importants que ceux qu’on a déjà du mal à mettre en œuvre pour nous amener à l’équilibre…

Si l’évaluation des dérèglements climatiques liés à l’augmentation de l’effet de serre à l’échelle de la planète est affaire de spécialistes, chaque citoyen de chaque pays de la planète peut, de lui-même et en fonction de ses moyens, décider de commencer à lever le pied de l’accélérateur (de la dilapidation énergétique carbonée) pour le poser sur la pédale d’un développement durable. Le 20 janvier 1961, tout frais élu président des USA, John F. Kennedy lançait : « Vous qui, comme moi, êtes citoyens du monde, ne vous demandez pas ce que les États-Unis peuvent faire pour le monde, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour le monde. » Approprions-nous ces paroles pour déclarer : ne nous demandons pas ce que nos gouvernants, à la COP21 et aux conférences qui suivront, vont faire pour nous et la planète, mais demandons ce que nous pouvons faire pour le monde. A nous d’imaginer les consommations et les développements qui rendront la planète viable pour les générations à venir… qu’elles n’aient pas à nous juger trop durement pour notre incapacité à agir… En plus, cela pourrait donner des idées à nos gouvernants.

Au fait… au cas où spécialistes et élus trouvent parmi les idées citoyennes de suffisamment bonnes pour entrer dans les discussions… Laissez-les croire que ces idées sont issues de leurs études et réflexions, ils pourraient se vexer et on prendrait encore du retard !!!

 

Une autre version de ce texte sur The Conversation : Comprendre l’effet de serre et ses conséquences et dans, sa version longue, sur FuturHebdo :  www.futurhebdo.fr/comprendre-leffet-de-serre-et-ses-consequences

© Olivier Parent

7 avr. 2016