En leur temps, dans les années 20, le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO des grands crus classés de Bordeaux avait ravi les investisseurs chinois venus faire leurs emplettes sur les coteaux du pourtour de la Garonne. Ces investisseurs, plus ou moins providentiels, venaient chercher en France autant de bonnes affaires à réaliser (achat de la plus part des aéroports français) qu’une respectabilité payées à prix d’or…

Aujourd’hui, le paysage français a bien changé. Pour ne parler que des collines qui donnèrent naissance aux plus grands vins qui firent la renommée de la France, elles aussi se sont transformées. La faute aux changements climatiques : l’actuel isotherme de Bordeaux correspond à celui de Agadir du début du siècle, avec des températures au delà de quarante degrés de façon habituelles.

Le pays s’est adapté à ces changements. Si nos rues et nos places se sont couvertes de toits de verre nano-tech, si nos villes se sont développées sous la terre… Les têtes agraires prennent de plein fouet ces hausses de températures, ces baisses de pluviométries… C’est vrai dans les plaines de France comme sur l’ensemble des zones tempérées de la planète.

Ces changements ne se sont pas fait du jour au lendemain. En pays bordelais, les vignobles ont appris à s’adapter. Les entorses aux canons de la viticulture sont devenus règles : les pieds de vignes ont d’abord été irrigués. Mais en quelques années, cela n’a plus suffit. En définitive, des dômes ont été bâtis au dessus des parcelles les plus renommées. Pour justifier de tels investissements pharaoniques et surtout de tels violations de la naturalité du vin, des études de paléoclimatologie ont été entreprises pour reconstituer l’enchaînement des pluies et des ensoleillements qui firent la richesse et le prestige des grands crus de Bordeaux, dont le classement débutât en 1855, voilà à peine plus de deux siècles.

Les propriétaires chinois furent les premiers à user de leurs pouvoirs de persuasion pour faire accepter la construction de structure de climatisation afin, selon leurs dires, de proposer des vins qui faisaient le bonheur du palais des dégustateurs avertis et amoureux des vins de Bordeaux. Si l’informatisation du monde permet de reconstituer assez facilement la météo d’une parcelle à compter du tournant du millénaire, il a fallu se plonger dans des archives papier pour reconstituer les climats de ces terres au delà des années 1980. Mais aujourd’hui, on peut ainsi déguster des vins avec la même irrigation et le même ensoleillement qu’un millésime exceptionnel 2009, un millésime excellent 1990 ou 2005, ou très grand 1996, 1986, 1961 voire même 1945…

On peut s’extasier devant ces réussites de la technologie qui vient au secours d’un patrimoine pas vraiment matériel de l’humanité… On peut tout aussi bien s’interroger sur la pertinence de garder ces productions inscrites à l’inventaire de l’Unesco, n’en déplaise aux investisseurs chinois qui, en ce cas, perdraient un argument de vente fort appréciable face à la concurrence mondiale et surtout face aux vignobles nordiques qui font de plus en plus parler d’eux : ils sont venus chercher les meilleurs viticulteurs et œnologues français ! Ces jeunes vins se revendiquent comme les vrais héritiers des terres viticoles françaises aujourd’hui brûlées !

 

© Olivier Parent

10 août 2015