Les soubresauts de la conquête spatiale | Nekomix #08 | 28/05/2069

Olivier a été invité par la rédaction de Nekomix (www.nekomix.com) à analyser les scénario des BD du numéro 10 du fanzine. Il en a résulté la production de 9 textes de journalisme prospectiviste, tous illustrés avec talents.

Ces textes essayent de traiter des questions et des njeux autour de la transmission de la connaissance à l’épreuve du temps long, de certaines étapes vers la conquête de l’espace et les voyages dans le système solaire, de la virtualité, des prothèses biomécaniques, l’usages que l’on pourrait faire des déchets que produisent l’humanité, l'(in)évitable concurrence entre humains et IA, notre rapport à la réalité au travers des outils que nous offre la technologie et le choc de la physique quantique…

Bon voyage dans ce cinquième texte et merci à 2D (2douvrelesvannes.blogspot.fr) pour son superbe travail d’illustration.


Alors que l’humanité s’engage dans une fin de XXIème siècle résolument spatial, il n’est pas inutile de se replonger dans les politiques du “zéro défaut”, zéro échec” qui s’étaient imposées au sein des agences spatiales étatiques de l’Occident au tout début de ce même siècle.

Avant le changement de millénaire, aux premières heures de la conquête spatiale, quand la lutte entre les anciennes puissances américaines  et soviétiques s’affrontaient pour un suprématie spatiale longtemps restée plus symbolique qu’autre chose, bien des hommes ont été sacrifiés sur l’autel du dogmatisme idéologique : capitalisme contre communisme. Ces premiers temps pionniers passés, une forme de réalisme s’est imposé : les marchés étaient captifs et principalement étatiques. Ces lanceurs s’appelaient Ariane, Soyouz ou Atlas…

Mais de nouveaux acteurs ne traînèrent pas à se lancer, eux aussi, dans la course à l’Espace. Certains étaient des états émergents, d’autres des entreprises. L’état d’esprit de ces dernières rappelait celui des colons, les pères fondateurs des futurs Etats Unis d’Amériques qui, dès le XVIIème siècle, partir, à la conquête des plaines de l’ouest américain, juchés sur des charrettes de bois tirées par des chevaux plus ou moins faméliques, un titre de propriété en poche… C’est en tout cas la mythologie populaire telle qu’elle nous est parvenue…

Et cet esprit s’est remis à souffler sur la conquête spatiale : partir ! Partir car si on ne le fait pas, d’autres le feront… Partir vers des territoires à coloniser, urbaniser, industrialiser. Cet élan devint tellement fort, voire violent, que l’Europe jugea nécessaire de se distinguer de cet ultralibéralisme qui, pour beaucoup, était assimilé à un abandon pur et simple de la Terre, en s’imposant une conquête spatiale durable, au bénéfice de la Terre.

Puis, il y eu un point de bascule. Ce fût le moment où suffisamment de matériels avaient été arrachés à la gravité terrestre pour que l’industrie spatiale soit considérée comme auto-suffisante, moment où cette industrie tira ses ressources exclusivement du milieu spatial. Tel un revers de main négligeant, ce moment de bascule balaya aussi toutes les belles intentions philanthropiques européennes… Les richesses spatiales plus ou moins accessibles jetèrent dans l’Espace un nombre toujours plus grand de prospecteurs, dignes héritiers de la Ruée vers l’Or de la fin du XIXème siècle…

Aujourd’hui, en 2069, vingt ans après cet étrange moment, l’humanité est devenue plurielle. Dans sa grande majorité, elle est restée terrienne. Mais elle est aussi martienne… et puis spatienne : en effet, elle s’épanouit dans des stations spatiales et dans des astéroïdes aménagés, comme Cérès. Ces habitats outre-terrestres accueillent des populations qui se comptent en centaines de milliers, avec un nombre toujours plus grand d’individus qui vraisemblablement ne poseront jamais le pied sur le berceau de l’humanité : trop loin, trop cher ou même trop dangereux pour celle ou celui qui est né et a grandit en microgravité !

Le jour de l’indépendance de ces territoires viendra sous peu. A ce moment-là, la Terre pourrait bien avoir peur de perdre ses “enfants” mais également les ressources et revenus liés à l’Espace… tout comme les moyens technologiques et scientifiques dont elle a grandement besoin pour endiguer les dérèglements climatiques hérités des erreurs du passé. Dans le même temps, la nature commerçante de l’humanité pourrait bien avoir su tirer profit de la nouvelle situation. Il y a fort à parier qu’il ne faudra que quelques courtes décennies pour voir s’organiser entre ces multiples foyers d’humanités un vaste réseau d’échanges de biens et de services dont la Terre ne sera pas la dernière à bénéficier : on n’est pas prêt de remplacer un bon Côte du Rhône des bords de la Tamise par les crus des coteaux du mont Olympe ou une meule de Comté vieillie en cave franc comtoise par une autre âgée de quelques mois passés dans les anneaux d’une station orbitale… à l’inverse, il est tellement chic de manger des fraises hydroponiques de Cérès, ou de se draper de soie martienne !

Stupide ? Futile ? Peut-être… mais ça fait vendre ! Et c’est ce qui pourrait sauver l’humanité…

 


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28 mai 2019