Deux ou trois choses que « AD ASTRA », le film de James Gray, nous dit sur demain…« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares » parole de prospectiviste…
Réalisation : James Gray
Scénario : James Gray, Ethan Gross
Acteurs principaux : Brad Pitt, Tommy Lee Jones, Donald Sutherland, Liv Tyler
Durée : 124 min.
Année : 2019
Le film Ad Astra, de James Gray, prend le contrepied des habituels films de science fiction en s’attachant à décrire une conquête de l’espace qui intègre les conséquences de cette aventure sur l’homme et la société, au risque de quelques invraisemblances technologiques. Mais rien qui n’enlève de la valeur à ce périple hors norme.
Pour commencer, un des premiers mérite d’Ad Astra est de proposer une réponse à l’éternelle question : « Pour quelles raisons l’humanité part-elle à la conquête des étoiles ? » La réponse du film de James Gray est : « L’humanité part dans l’espace pour répondre à une autre question : sommes-nous seul dans l’univers ? » A chacun de juger si cette proposition est nécessaire et suffisante…
Ceci étant établi, on est bien obligé de constater qu’on ne connaît que peu de choses du monde de Roy McBride, le personnage joué par Brad Pitt. En termes de lieux de société, de lieux collectifs, sur Terre, on ne voit que l’énorme antenne construite pour tenter d’entendre les chants électroniques venus de l’espace profond émis par d’éventuels extraterrestres, nos hypothétiques cousins avec qui, au moins, nous partagerions la Vie…
Quant au monde spatial futur que propose James Gray, un monde où se déploie une aventure essentiellement sociale et humaine, on n’en parcourt que trois échantillons. En premier lieu, il s’agit d’une base lunaire américaine qui tient tout du centre commercial : boutiques, publicités et enseignes lumineuses y sont reines. Les néons scintillent même dans le vide pour inviter le chaland à se rendre dans ce temple lunaire dressé à la gloire du dieu Consommation. Là, rien de nouveau… si ce n’est que ce centre commercial lunaire pourrait être une réponse à la désaffection des clients terrestres pour ces lieux d’hyper consommation… la consommation sur la Lune devenant, elle, un signe d’appartenance à l’humanité terrestre…
Le deuxième espace qui nous renseigne sur l’avenir de l’humanité hors de la Terre est son satellite. Les grandes plaines lunaires au milieu desquelles des convois sinuent entre de sombres cratères tiennent tout des plaines du Farwest où avançaient péniblement des convois de colons… Sur la Lune, point d’Indiens qui s’attaquent aux frêles charrettes dans un balais d’opérette… mais des pillards qui travaillent à leur propre profit ou des corsaires qui entretiennent cette situation de non droit ; apparemment, certains pays peu regardant en termes de droit international sauraient tirer avantage de cet étrange trafic… ces scènes de Western témoignant surtout du fait que l’humanité ne serzpas partie vers les étoiles qu’avec le meilleur d’elle-même !
Enfin, le dernier lieu par lequel passe le héro, Roy McBride, est la station martienne américaine. Là, tout y est austère : le béton est brute, il n’y a pas de fenêtre ouverte sur l’extérieur… peut-être que cette base a été construite en sous-sol. Si la taille apparente de la base lunaire permet d’évaluer la présence des humains dans l’espace en termes de nombreuses décennies, le film pourrait alors se dérouler au cours du XXIIe siècle. Et pourtant, la base martienne, dans le film, ne compte qu’à peine plus de 1000 personnes. Ainsi, ce qui est montré de la conquête des espaces martiens nous rappelle que l’aventure humaine dans l’espace sera âpre, difficile et sans concession.
Celles et ceux qui payeront le prix fort de cette folle aventure seront les femmes et les hommes qui vivront le plus loin de leur planète mère, la Terre, avec vraisemblablement une impossibilité de se rendre sur celle-ci pour des raisons économiques évidentes : dans cet avenir, le prix d’un billet aller-retour Mars-Terre restera excessivement cher. D’autant plus que, pour les individus qui seront nés en micro gravité martienne, la peine économique sera aggravée par leur incapacité à supporter la gravité terrestre trois fois supérieure à celle de Mars. Les rares élus qui pourront se rendre sur Terre ne pourront pas y rester au risque de graves lésions osseuses et musculaires…
Conséquence de ces situations, aux peines économiques et physiques viendra s’ajouter une peine psychologique liée à la distance qui, pour une raison ou une autre, fera de la Terre une oasis désormais inatteignable. Que l’on soit martien ou un astronaute qui assure des liaisons entre les différentes installations humaines ou que l’on un de ces aventuriers qui partent pour des destinations lointaines, tel que l’équipage du père de Roy McBride parti pour Neptune, cette distance à la Terre deviendra un facteur incontournable et en même temps difficilement gérable : on parle ici de psychologie humaine, la dimension de notre nature qu’il est la plus difficile à évaluer et à contrôler.
Aujourd’hui, les femmes et les hommes qui partent vers l’espace sont en nombre réduit car ces individus sont issus d’une sélection drastique qui permet de créer une population homogène apte à survivre dans des écosystèmes clos et exigus. Ces micro sociétés, principalement la station spatiale internationale, sont surtout à quelques heures d’un retour en catastrophe sur Terre.
Dans le film Ad Astra, on ne parle plus d’homogénéité de la population spatiale. Cette population est composée de toute la variété d’individus qui fait la richesse de l’humanité. Par contre, Roy McBride, comme sûrement toutes les autres personnes à responsabilité, doit régulièrement rendre compte de son état psychologique en se branchant à une IA. Étranges moments que sont ces dialogues qui égrènent le film : où que se situe le personnage de Brad Pitt, il doit se soumettre à ces évaluations psychologiques, quitte à s’entendre être invité, par la machine, à aller se détendre en salle d’immersion sensoriel pour se calmer…
Indépendamment de la quête toute humaine qu’est celle de Roy McBride, la quête du père, la quête de l’identité, la quête des origines… le film propose surtout au spectateur un nouveau prisme pour raconter l’épreuve que sera la conquête des espaces interplanétaires. Les moyens matériels ? On pourra toujours les trouver et les mettre en œuvres. Ils viendront vraisemblablement de fonds privés ou de fonds publics, en moindre mesure. Les technique évolueront. Dans le film, Roy se rend sur Mars en 19 jours et atteint Neptune en 79 ! Autant dire que le saut technologique avec ce que sont les actuelles moyens de propulsion est énorme. Mais peu importe. Dans 50 ou dans 80 ans, dans un siècle ou plus, l’humanité aura développé des technologies qui rendront ces temps de trajet accessibles.
Le vrai enjeu de la conquête de l’espace donc sera l’humain ! L’actuelle présence des humains dans l’espace, dans l’ISS, ou bien dans les futures bases lunaires resteront loin des vrais enjeux. Pour longtemps encore, ces lieux demeureront à une réelle urbanisation, à une réelle territorialisation de l’espace ce que les grottes de Lascaux ont été en comparaison de ce que sont nos domiciles au cœur de nos villes et villages modernes. Les actuelles installations humaines dans l’espace sont des lieux exigus et impropres à la vie quotidienne dans toutes ses dimensions, aussi bien collectives qu’intimes. Il reste donc à ces lieux à acquérir les fonctions urbaines qui sont d’ordre résidentiel, politique, économique, culturel, d’ordre de la mobilité des personnes et de la communication et pour finir par l’indispensable dimension sociale.
Une fois rassemblées, toutes ces conditions n’effaceront pas la tension issue de la distance des individus à leur berceau, la planète Terre. Toutes ces conditions n’assureront pas la garantie de stabilité psychologique des candidats au départ ou à l’exil spatial… au moins, la mise en place de ces dispositions permettront-t-elles un épanouissement pas trop névrosé d’une nouvelle branche de l’humanité, les humains spatiaux. Alors, prêts pour un voyage sans retour ?
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