GEOSTORM ou « Le climat au risque du scientisme » | Ce que la SF nous dit sur demain | Space’ibles 2020
Deux ou trois choses que « GEOSTORM », le film de Dean Devlin, nous dit sur demain… 

« Dis-moi quel film tu regardes, je te dirai quel avenir tu te prépares », parole de prospectiviste…

 



Une production le Comptoir Prospectiviste / FuturHebdo
pour Space’ibles.fr


Les analyses prospectives des films sur le site de Space’ibles


Réalisation :  Dean Devlin
Scénario : Dean Devlin & Paul Guyot
Acteurs principaux :
 Gerard ButlerAbbie CornishJim SturgessAlexandra Maria Lara
Production/Distribution : Jerry Bruckheimer FilmsElectric EntertainmentSkydance ProductionsWarner Bros.
Durée : 109 min.
Année : 2017


 

Chronique d’analyse prospectiviste conçue en collaboration avec Space’ibles, l’Observatoire Français de Prospective Spatiale, initiative du CNES.

 


 

 

Le film Geostorm, de Dean Devlin, est tout autant un film catastrophe qu’un film de Science-Fiction. Mieux encore, dans une approche d’anticipation de la réalité, Geostorm pourrait se présenter comme une projection scientiste d’un futur de notre planète. Mais, de quel futur parle-t-on ?

Le portrait de la situation mondiale est brossé dès les premières images du film : face à son incapacité à endiguer les dérèglements climatiques dont les manifestations n’ont fait que s’accentuer, l’humanité a développé un système satellitaire de contrôle du climat. Il s’agit d’une constellation de satellites qui orbitent autour de la Terre. Chaque satellite est dédié au contrôle du territoire qu’il survole… le film n’entre guère dans les détails techniques du contrôle climatique depuis l’orbite terrestre pas plus que sur les moyens d’un vol géosynchrone des satellites… De même, sont évacuées toutes les questions autour des sources d’énergie nécessaires à ce système de contrôle climatique : quand on voit, dans le film, comment les personnages malmènent les satellites, on espère qu’ils ne puisent pas leur énergie dans des piles nucléaires, sinon… Bon ! Quoi qu’il en soit, le système déploie un très grand nombre de satellites régis par une station spatiale internationale qui est une géante lointaine, très lointaine descendante de l’actuelle ISS.

Dans le film, le système de contrôle climatique spatial est surnommé Dutch Boy. Ce nom fait référence à un conte populaire anglo-saxon dans lequel un jeune garçon hollandais sauve son pays d’une inondation en arrêtant une crue dévastatrice en bouchant le trou d’une digue avec son simple doigt… Moyen bien économique, à l’opposé extrême de la solution décrite dans le film. Cependant, indépendamment des technologies qui sont montrées, celles qui sont suggérées ou celles dont il vaut mieux ne pas parler tant certains aspects peuvent paraître ubuesques aux regards attentifs, on peut s’attacher à faire une lecture surplombante, systémique du film Geostorm. 

Ainsi, il n’est pas déraisonnable d’estimer qu’il aura fallu dix, vingt années ou plus encore à l’ensemble de la communauté internationale, pour financer, concevoir et construire dans son ensemble le Dutch Boy, le film décrivant le moment où les Etats Unis d’Amérique, maîtres d’oeuvres du système, doivent en céder la gestion à la communauté internationale. 

Que l’on parle des hypothétiques technologies de contrôle climatique, des navettes spatiales qui font des va-et-vient permanents, entre le sol et l’espace, comme de simples bus (le héros s’envole vers l’espace, seul passager à bord d’une de ces navettes…), de la station spatiale internationale qui semble suffisamment grande pour accueillir plusieurs centaines de personnes à son bord, offrant à ses occupants, dans diverses sections, des anneaux gravitationnels… toutes ces technologies, sans être inaccessibles à l’humanité, demanderaient, à compter d’aujourd’hui, de très grands efforts de développement avant de pouvoir être déployées à grande échelle. Donc, le monde de Geostorm est loin d’être dans un avenir immédiat de notre présent. On pourrait se situer autour des années 2050, voire au-delà… Et pourtant, quand on regarde le plancher des vaches, quand on observe le monde décrit dans le film et qui continue à s’agiter sous son parapluie de très haute technologie, on n’a pas l’impression que ce monde ait beaucoup changé en comparaison de notre présent : les nations semblent les mêmes, les mêmes lois semblent régir les relations internationales, les voitures individuelles règnent toujours en maîtresses dans les rues, les touristes sont sur les plages, les populations dans les pays émergents vivent toujours dans la précarité quand les nations occidentales président toujours au destin du monde… Donc rien de neuf sous le dôme de notre géosphère… 

Or c’est bien là que réside tout l’intérêt de ce film. C’est dans cette figuration d’un monde qui, pour résoudre ses problèmes climatiques, a préféré développer une solution technologique plutôt que de s’imposer des changements de comportement et des changements de modes de production ou de consommation. C’est un monde qui met en œuvre des moyens spatiaux colossaux pour tenter de contrôler la machine climatique terrestre. Mais, tout le monde semble oublier qu’une solution technologique reste à la merci de dysfonctionnements : l’informatique n’est pas une science exacte et peut être la cible d’attaques pirates. Une solution scientiste qui peut aussi entretenir les pires penchants de l’humanité et les ambitions les plus basses. Un des personnages du film essaie d’habiller cette utopie d’un vernis d’idéologie politique et traduit dans cette phrase : “A quoi sert le Dutch Boy si ce n’est à se prendre pour Dieu ?”

Régulièrement, la Science-Fiction propose des figurations de ce que pourrait être le monde de demain si l’effondrement civilisationnel se faisait au profit des plus riches, comme dans le film Elysium… de ce que pourrait être le monde si l’exploitation spatiale se développait sous la seule égide d’entreprises privées, comme dans le film Outland, ou bien encore ce que serait le monde si les prévisions statistiques du GIEC se réalisent, comme dans le docu-fiction 2075, les temps changent… Dans Geostorm, rien de tout cela. Pas de dystopie climatique et sociale, pas plus d’un libéralisme exacerbé qui met sous sa coupe les autorités civiles et encore moins d’une vie terrestre à laquelle une frugalité s’impose et comme des conditions climatiques qui obligent l’humanité à une adaptation permanente. Non, Geostorm est une utopie scientiste. Et, peu importe que le film tourne à la catastrophe et que l’humanité pollue l’orbite terrestre d’une infinité de débris. On se relève et on reprend le même chemin, guidé par la seule technologie. Mieux encore, la dernière séquence montre une humanité qui, pour ne rien perdre de ses modes de vie, se lance dans la construction d’un nouveau Dutch Boy, version 2.0 du système initial, encore plus gros, encore plus solide, d’où disant toujours plus sécurisé… Et le scientisme révèle finalement une autre utopie et en fait l’apologie. Il s’agit du conservatisme : pour tout changer, ne rien changer !

D’autant qu’un effort de développement et de construction d’une solution similaire au Dutch Boy du film pourrait bien provoquer des dommages collatéraux et avoir, dans la réalité, un effet contraceptif dans les domaines de la recherche. Le Dutch Boy pourrait bien anéantir la naissance d’autres ambitions. Il pourrait bien tuer l’exploration spatiale. En effet, dans le film Geostorm, rien ne semble exister au-delà de l’orbite terrestre. Les navettes spatiales ont la taille de gros avions d’affaires et le maillage des satellites de contrôle climatique apparaît comme une frontière qu’il est bien difficile à traverser pour l’humanité. Toute concentrée sur la résolution technologique des enjeux climatiques dont elle est en grande partie à l’origine, l’humanité semble avoir perdu ses rêves d’espace… Pire, les manigances partisanes qui agissent dans le film cherchent désespérément à maintenir des équilibres géostratégiques d’un autre temps : le nôtre ! 

En définitive, le film Geostorm pose une question éthique : celle de la place de l’humanité dans le vaisseau spatial Terre, celle du rôle de cette même humanité dans l’agencement subtil qu’est l’écosystème planétaire. Ainsi, l’humanité peut-elle continuer à se comporter en enfant gâté qui agit sans tenir compte du milieu qui lui a donné naissance, sans tenir compte du fait désormais établi que cette Terre est un système clos aux ressources limitées ? L’humanité peut-elle s’octroyer le droit à un pouvoir technologique quasiment surhumain qui l’affranchirait des lois de la nature ? Cet enthousiasme lui faisant d’oublier ne serait-ce que la complexité un système qu’est un climat planétaire… cet orgueil pouvant déclencher des conséquences pires que les causes qui ont été à l’origine de son action ? Ou bien l’humanité doit-elle s’imposer une frugalité nécessaire pour permettre à toutes les formes de vie de s’épanouir à la surface de la planète, quitte à réduire drastiquement son propre niveau de vie ? Y a-t-il une réponse modérée à ces questions ?

A la fin du film, la fille du héros lance : “une planète, un peuple, un même avenir…” Est-ce là une nouvelle utopie toute aussi inatteignable que les autres à moins que cette phrase ne recèle les graines d’un programme d’une politique planétaire à construire ? En tout cas, une chose est sûre : si la Terre est bien un système clos aux ressources comptées et limitées, dans l’équation de l’écosystème planétaire, il est une ressource variable et fragile : c’est l’humanité elle-même. Alors que fait-on de cette variable ?

 


 

Toutes ces analyses sont également rassemblées sur www.sciencefictiologie.fr, site dédié à la science-fiction qui  éclaire le présent, grâce à la plume, le crayon, l’objectif et l’œil des auteurs !

 


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12 oct. 2020